Villes Nouvelles en Afrique

A ce jour, il y a environ 200 villes nouvelles à travers le monde contre 10 dans les années 60 (Sarah Mose et Anne Durand, 2020). Quelles-en sont les raisons ? Selon Mamadou Dieng le problème se pose déjà au niveau de la définition, car toutes les opérations d’envergure se réclament de type ville nouvelle.  Ainsi on dénombre en Afrique 148 villes nouvelles de 1960 à 2018 dont plus de la moitié entre 2000 et 2018.

Qu’est ce qu’une ville nouvelle ? 

La ville (tout court) est un concept qui reste, jusqu’à ce jour, très difficile à définir. En effet, le point commun remarqué entre les définitions de différents auteurs, est l’existence de critères spécifiques dans la définition d’une ville. Ces critères n’étant pas uniformes d’un espace géographique à un autre, d’un auteur à un autre, la notion de ville définit avant tout un tissu aggloméré.

C’est cette définition qu’adopte Jean-Marc Offner (2020) qui pense que la ville est un tissu urbain aggloméré, par opposition à l’urbain qui constitue un rapport quotidien à un territoire, un mode de construction, un mode d’habitat que l’on retrouve aussi dans les villes.

Françoise Choay et Pierre Merlin (2010, p. 217) définissent la ville nouvelle comme une “ville planifiée dont la création a été décidée par voie administrative, en général dans le cadre d’une politique d’aménagement régional”. En d’autres termes, la ville nouvelle est une ville créée de toutes pièces dans le but de répondre à un besoin ou à un équilibre régional recherché. Elles n’assurent ainsi pas le “rapport quotidien au territoire” dont parle Jean Marc Offner, et possèdent une “appellation qui semble nier l’évolution du temps” (Thierry Paquot, 1998, p. 44).

Les types de villes nouvelles et quelques exemples

Le dictionnaire de l’urbanisme (2010, p.217) définit quatre types de villes nouvelles contemporaines :

  • Les villes nouvelles implantées hors des régions urbanisées, à des fins industrielles (ex-Union soviétique), d’équilibre du réseau urbain (Hongrie), sur des ressources minières (Company Towns du Canada); en France, Mourenx (liée au gaz de Lacq);
  • Les nouvelles capitales implantées à l’écart des grandes agglomérations pour des raisons de politique intérieure, de stratégie défensive, pour favoriser le développement de régions pionnières ou pour plusieurs de ces raisons: Washington (fin du XVème), Canberra (années 1920), puis Brasilia, Islamabad, Abuja (Nigeria), Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) en sont des exemples;
  • Les villes nouvelles situées dans l’environnement d’une métropole, sans continuité dans le souci de la décongestionner et de structurer la région urbaine à une échelle plus vaste que celle de l’agglomération de base : les New Towns autour de Londres, L’Isle-d’Abeau à l’est de Lyon correspondent à ces caractéristiques. C’est dans cette catégorie que je classerais la ville de Diamniado (Sénégal) Diamniadio, ville nouvelle du Sénégal en attente de ses habitants (lemonde.fr) même si elle risque fortement de porter les caractéristiques de la catégorie suivante dans les décennies à venir ;
  • Les villes nouvelles situées en continuité spatiale avec une grande agglomération, destinées à orienter et à structurer le développement des banlieues, sans volonté d’indépendance entre la ville nouvelle et la ville mère. On parle d’ailleurs plutôt de simples quartiers nouveaux autour des grandes villes suédoises ou néerlandaises, même si leur échelle est comparable à celle des New Towns. L’on retrouve également dans cette catégorie Yennenga (Burkina Faso) et Ouèdo (Bénin). Cité de Ouèdo au Bénin

Afrique : Des capitales conçues (presque) ex-nihilo, des projets pharaoniques et des continuités urbaines

En Afrique, ces villes sont présentes depuis les années 90 avec les nouvelles capitales (Abuja, Yamoussoukro, etc.) et les pays du Maghreb qui avaient pour intention de résoudre les problèmes d’accroissement démographique et de saturation des villes existantes. Le plus récent est la Nouvelle capitale d’Égypte annoncée en 2015 et en partie sortie de terre dans le désert égyptien à ce jour . Et que pensez-vous de la nouvelle capitale égyptienne ? Vivra-t-elle mieux que les autres capitales créées de toutes pièces ?

Les problèmes remarqués dans la production de ces premières villes nouvelles sur le continent sont :

  • la difficulté de mise en place, la faible réponse aux besoins de la population (qui ne sont pas intégrés à la planification et à la mise en œuvre),
  • la difficulté de l’accès financier à ces villes qui produisent des logements trop chers pour la classe moyenne, situé trop loin pour assurer une aisance dans le déplacement logement-activités.
  • l’absence d’une valeur de l’espace social qu’est la non prise en compte du rapport entre espace privé et l’espace public, des espaces tampons qui favorisent l’intimité. Ce que Anne Durand définit comme l’une des bases de la notion d’habiter en ville en Afrique n’est pas pris en compte et réduit l’attrait de ces villes puis en fait parfois des villes sous habitées.
  • le manque d’identité dans mode d’habiter de la population qui n’est pas considéré à la conception. Ainsi cette dernière (population) a du mal à s’identifier à ces ensembles d’immeubles.
  • la hausse du coût des transports dans le budget mensuel des ménages et le changement des habitudes sociales sont des éléments à étudier avec attention dans le choix de localisation de ces projets.

Bien qu’ayant souvent pour objectif une sorte de révolution, ces villes peuvent-elles fonctionner en se construisant comme telle ? Dans sa politique de logement, le Gouvernement du Bénin lance un programme dénommé “20.000 logements” à construire sur l’ensemble du territoire national. La cité de Ouèdo (définit par certains comme “ville nouvelle”) fait partie de ce programme et prend progressivement corps sur le terrain à-lui dédié, dans la commune d’Abomey-Calavi. Abomey-Calavi est voisine Ouest de la capitale économique, siège de la principale université publique du pays, de l’hôpital international de référence, du marché de gros, de la zone industrielle de Glo-djigbé en plein essor et destinée à impulser l’économie nationale. Ainsi, la situation géographique de la cité de Ouèdo lui permet d’avoir à proximité un bassin démographique important et donc un marché potentiel solide. Le mécanisme d’accession semble moins contraignant que d’anciens projets en matière de taux de prêt, de temps de remboursement, etc. Toutefois une question subsiste. Ouèdo a-t-elle réunit toutes les conditions pour être l’exception au tableau dépeint plus haut ?

Ressources pour aller plus loin

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