Faire revivre Grand-Bassam, métamorphose en une ville éponge

L’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones), en partenariat avec le réseau APERAU (Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme) a lancé au travers de l’initiative Urbanisme en Francophonie, un Appel à projets “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, dans le cadre de la Conférence internationale « Le réenchantement des villes : Urbanisme en Francophonie, horizon 2050 », organisée les 2 et 3 octobre 2024, en amont du Sommet de la Francophonie.

Le premier prix de l’Appel à projets des Jeunes Ambassadeurs Francophones : “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, revient à l’équipe de l’École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU), composée de Moniah BOUKARI, Franck FOTSING NZODA, Lazare YOVOGAN, Chigata COULIBALY, Rosevelt NGUETSE YEMELE et encadrée par Dr. Monica CORALLI (Architecte Urbaniste, Dr en Géographie, aménagement de l’espace).

À l’EAMAU, chaque jour est une symphonie de cultures et d’aspirations partagées. Des jeunes aux trajectoires différentes, se rencontrent autour d’une même ambition : penser les villes de demain. Cette institution, qui accueille des étudiants venus de 14 pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale, incarne la vision et l’espoir d’une Afrique unie face aux défis de l’urbanisation. Son rayonnement est visible via les réalisations de ses diplômés qui, à travers l’Afrique et au-delà, conçoivent des édifices, façonnent des cités, et trouvent des solutions aux défis grandissants de l’urbanisation. Des générations de bâtisseurs se forgent, non seulement dans l’excellence académique, mais aussi dans l’humanisme, en portant en eux la force d’un continent qui se réinvente.

Présentation de la zone d’étude

Grand-Bassam, fondée en 1838, est une ville historique qui fut la première capitale coloniale de la Côte d’Ivoire. Reconnue pour son architecture coloniale unique et son organisation en quartiers distincts, elle a été inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012. Cette reconnaissance met en lumière la richesse de son patrimoine architectural et culturel, notamment avec des quartiers européens comme le quartier France et autochtones comme celui des pêcheurs N’Zima. Outre cette dimension historique, Grand-Bassam est aussi classée zone Ramsar depuis 2004, ce qui reflète la valeur mondiale de ses zones humides. La ville abrite une biodiversité exceptionnelle, avec un réseau d’eaux douces, lagunaires et maritimes, incluant le fleuve Comoé et l’océan Atlantique.

Cependant Grand-Bassam fait face à des défis majeurs. Les effets du changement climatique exacerbent les inondations récurrentes, comme celles de juin 2023 qui ont affecté plusieurs centaines de personnes. La pression sur ses zones humides et la fermeture de l’embouchure du Comoé accentuent les risques pour son écosystème et son patrimoine. À cela s’ajoute la périurbanisation croissante de la ville d’Abidjan qui produit une véritable crise de la mobilité avec des difficultés majeurs dans les déplacements pendulaires. Sans actions concrètes d’ici 2050, la ville risque une dégradation sévère, avec une érosion côtière accrue, une élévation du niveau de la mer de 30 cm4 et les problèmes qui en découlent aussi bien sur l’habitat que sur la mobilité. Il est donc crucial de concilier préservation et développement durable pour assurer l’avenir de Grand-Bassam.

Grand Bassam, une composante du grand Abidjan (SDUGA)

Source : Schéma directeur d’urbanisme du Grand Abidjan

Pour faire revivre Grand-Bassam d’ici à 2050, métamorphose en une ville éponge

Qu’est-ce qu’une ville éponge ? Le concept de “ville éponge”, adopté par la Chine à la suite de catastrophes causées par des typhons, désigne des zones urbaines qui imitent les écosystèmes naturels, en particulier en ce qui concerne la gestion des eaux pluviales. Les approches qui s’en inspirent s’appuient sur des infrastructures naturelles, telles que des trames bleues et vertes, pour gérer les eaux de pluie de manière plus efficace. Cependant, dans notre cas spécifique, au-delà de la résilience face aux inondations, Grand-Bassam pourra réaliser pleinement son potentiel en tant que destination touristique balnéaire prospère sur le plan économique.

Les différents cycles d’une ville éponge

Le chemin vers la renaissance de Grand-Bassam connaîtra trois temps, chacun correspondant aux cycles du fonctionnement d’une éponge : Absorption, rétention et libération.

  • Premier temps : Rétention (court terme, 2030)

Grand-Bassam doit prendre conscience de l’importance de conserver ses ressources et son patrimoine afin de renforcer sa résilience aux inondations et de les préserver pour les générations futures.

  • Deuxième temps : Absorption (moyen terme, 2040)

La ville doit assimiler et exploiter efficacement toutes les ressources qu’elle a conservées, afin de les valoriser pleinement pour un développement durable et économique optimal.

  • Troisième et dernier temps : Libération (long terme, 2050 et au-delà)

La ville devient pleinement résiliente aux inondations, protégeant ses zones humides tout en bénéficiant d’une croissance économique soutenue. Grand-Bassam brille en libérant tout son potentiel et en devenant un modèle de développement durable pour les années à venir.

Les trois axes principaux

Face aux maux auxquels la commune de Grand-Bassam est confrontée, le projet propose un plan pour transformer cette ville en une ville résiliente d’ici 2050. Ce plan repose sur trois axes principaux :

  • Résilience face aux inondations
  • Mobilité durable
  • Valorisation du patrimoine et développement économique

Les solutions envisagées

Grand-Bassam est particulièrement vulnérable aux inondations, notamment en raison de sa proximité avec la lagune. La résolution de ces problèmes passe inévitablement par la gestion des zones humides. Pour cela, il est prévu de renforcer la gestion des eaux en mettant en place des bandes végétalisées, des bassins de rétention, des ruisseaux vivants et des jardins de pluie.

Des sous-stratégies accompagneront ces actions :

  • Prévention : Des mesures proactives seront mises en place pour réduire les risques d’inondation, telles que la végétalisation et des solutions de drainage améliorées. L’application rigoureuse des règlements de construction en zones sensibles sera également essentielle.
  • Détection : Un système de surveillance en temps réel des conditions météorologiques et hydrologiques sera introduit pour permettre une réaction rapide en cas d’alerte.
  • Adaptation : La résilience des infrastructures et des habitants sera renforcée à long terme, incluant des campagnes de sensibilisation sur l’importance de respecter les règlements de construction.

Dans le cadre de cette transformation, deux profils principaux liés aux zones sensibles à l’eau et aux inondations récurrentes sont identifiés, décrivant les caractéristiques des zones vulnérables et les solutions adaptées.

La gouvernance est un aspect important du projet. Elle repose sur une approche collaborative entre les autorités locales, les acteurs économiques et la société civile. Il donc est essentiel d’appliquer rigoureusement les règlements relatifs à la protection des zones humides et des constructions en zones inondables, tout en respectant les conventions internationales telles que celles de l’UNESCO et la convention RAMSAR. Des mécanismes de concertation seront développés pour une prise de décision inclusive et durable sur les questions de développement urbain et de protection des zones sensibles.

Grand-Bassam, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, fait également face à des menaces d’inondation et de dégradation de son patrimoine historique. Pour renforcer sa valeur culturelle, le développement de parcours touristiques sera envisagé pour attirer les visiteurs et sensibiliser à la préservation du patrimoine aussi bien architectural que naturel. La réhabilitation des bâtiments historiques, notamment des édifices coloniaux, sera réalisée avec des matériaux résistants aux inondations. Un complexe culturel sera également mis en place pour servir de pôle touristique et de centre d’événements culturels. La ville accueillera un centre de simulation et d’aventure qui permettra de redynamiser le secteur touristique tout en renforçant son identité historique.

Concernant le logement et le foncier, il est difficile de délimiter les propriétés, notamment dans les zones patrimoniales. Cela peut créer des vides juridiques, permettant à la population d’adopter des pratiques non conformes aux règles d’urbanisme. Une approche progressive, intégrant la résilience aux inondations, sera mise en place. Des techniques de construction durable seront favorisées, avec des matériaux perméables et des fondations adaptées. Des règlements d’urbanisme stricts seront appliqués pour garantir la construction de logements sécurisés en dehors des zones à risque. À terme, des habitats collectifs et des bâtiments mixtes intégrant des espaces commerciaux et résidentiels seront promus pour répondre aux défis de l’urbanisation rapide.

La mobilité est un défi majeur pour Grand-Bassam, particulièrement en raison de la périurbanisation croissante d’Abidjan. Cette urbanisation rapide entraîne un accroissement du trafic et des problèmes de congestion. Pour répondre à ces enjeux, le projet connaîtra 3 phases :

  • D’ici 2030 : Des gares communales seront aménagées pour faciliter les déplacements quotidiens, l’utilisation des véhicules électriques sera augmentée et la mobilité active sera promue via des pistes cyclables.
  • D’ici 2040 : Une ligne de tramway reliera Grand-Bassam à Port Bouet et des quais pour le transport fluvial sur la lagune seront mis en place, désengorgeant ainsi le réseau routier.
  • D’ici 2050 : Le pont reliant Bingerville à Grand-Bassam sera achevé ; la mise en place de gares multimodales facilitera l’interconnexion entre différents modes de transport.

Pour renforcer l’attractivité de Grand-Bassam et favoriser l’épanouissement de la population, plusieurs initiatives sont prévues :

  • D’ici 2030 : Un centre de formation sur des techniques durables et modernes sera créé pour les pêcheurs et agriculteurs.
  • D’ici 2040 : Un centre agro-touristique autour de l’écotourisme lié aux activités de pêche sera créé pour encourager la croissance économique locale et créer des emplois.
  • D’ici 2050 : Un hub technologique en lien avec la zone franche de Grand-Bassam sera développé, servant de catalyseur pour les industries créatives et technologiques de la sous-région.

© Crédit Photo : William Gouzien (Remise des prix à la Conférence Internationale Urbanisme en Francophonie)

2 octobre 2024

 

3.6 5 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires