Comment lire les villes d’aujourd’hui ? Pour une part sans doute en revenant sur les bouleversements passés qui ont effacé bien des traces en leur substituant d’autres, qui ont marqué les différentes étapes des sociétés, y compris la page délicate de la colonisation. Les archives Gaumont-Pathé explorent ainsi les opérations d’urbanisation qui se sont déroulées avant la Seconde Guerre mondiale. Elles rapportent le projet de transformation et d’extension du tissu urbain dans toutes les villes, dans le périmètre métropolitain comme dans les territoires colonisés.
Les images de ces archives exposent les atmosphères, les paysages, les chantiers, les bâtiments neufs, l’idée martelée d’un confort amélioré… Elles rappellent les ambitions inspirées par un hygiénisme encore dominant : de généreux espaces publics ; une spécialisation des fonctions urbaines qui se voulait au service des habitants ; des grands ensembles pour offrir les normes de confort au plus grand nombre. Mais les extraits oublient de souligner comment les villes modernes ont fragilisé le patrimoine et les populations. Les quartiers des habitants locaux étaient absolument distincts des quartiers des colons, si bien qu’il n’était plus même nécessaire de faire ce rappel.
Les séquences de films archivées méritent d’être exhumées, non seulement pour les images qu’elles recèlent et quand il y a lieu pour les commentaires qui les accompagnent. Les unes et les autres créent une atmosphère surannée et nous transmettent sans fard les objectifs et les projets mis en œuvre avant la seconde guerre mondiale.
Qu’est-ce qu’une ville ? Si l’on se réfère à l’idée qu’il s’agit de lieux d’une certaine densité, Cotonou, de 1930 à 1939, n’en présente pas encore toutes les caractéristiques : faible densité, arbres hauts, larges avenues, bâtiments à un ou deux étages… Il paraît douteux que la totalité de Cotonou ait ressemblé à cela en 1930 : il devait exister des parties plus compactes, mais les témoignages filmés de cette époque sont quasi inexistants.
Et pourtant, tout est là et va se construire pas à pas pour conduire à la ville dense que nous connaissons aujourd’hui. Les fonctions urbaines se sont concentrées, des habitants s’attachent à occuper le meilleur espace possible, les automobiles et les motos-taxis débordent des axes de circulation. Le Cotonou d’aujourd’hui est bien l’héritier de celui d’hier.