Comment lire les villes d’aujourd’hui ? Pour une part sans doute en revenant sur les bouleversements passés qui ont effacé bien des traces en leur substituant d’autres, qui ont marqué les différentes étapes des sociétés, y compris la page délicate de la colonisation. Les archives Gaumont-Pathé explorent ainsi les opérations d’urbanisation qui se sont déroulées avant la Seconde Guerre mondiale. Elles rapportent le projet de transformation et d’extension du tissu urbain dans toutes les villes, dans le périmètre métropolitain comme dans les territoires colonisés.
Les images de ces archives exposent les atmosphères, les paysages, les chantiers, les bâtiments neufs, l’idée martelée d’un confort amélioré… Elles rappellent les ambitions inspirées par un hygiénisme encore dominant : de généreux espaces publics ; une spécialisation des fonctions urbaines qui se voulait au service des habitants ; des grands ensembles pour offrir les normes de confort au plus grand nombre. Mais les extraits oublient de souligner comment les villes modernes ont fragilisé le patrimoine et les populations. Les quartiers des habitants locaux étaient absolument distincts des quartiers des colons, si bien qu’il n’était plus même nécessaire de faire ce rappel.
Les séquences de films archivées méritent d’être exhumées, non seulement pour les images qu’elles recèlent et quand il y a lieu pour les commentaires qui les accompagnent. Les unes et les autres créent une atmosphère surannée et nous transmettent sans fard les objectifs et les projets mis en œuvre avant la seconde guerre mondiale.
La vie urbaine par-delà des contextes urbains, voilà l’image qui domine les trois extraits de films d’archives tournés entre 1915 et 1925 à Hanoï. En effet les trois exemples illustrent une ville active où toutes et tous sont affairés et circulent dans de larges avenues :
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Le boulevard Gambetta
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La route de Hué
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La rue Paul Bert
Gaumont Pathé archives – extrait EXTCF 4 – Hanoï – Voyage en Indochine française – Au Tonkin : Hanoï, la ville française– 1915/1925
Ce sont pourtant trois paysages différents : une grande avenue où l’on circule en pousse-pousse, une rue entourée de bâtis, équipée des rails d’un tramway, enfin, un axe routier encore mal circonscrit par des bâtiments adjacents. Si le parti architectural est chaque fois inspiré du mouvement haussmannien, il peine à en reproduire fidèlement le principe. Le tissu urbain est encore lâche, même si l’animation visible à l’image annonce déjà des transformations à venir.
Si le propos et les illustrations s’inspirent de la situation française, il y a cependant dans cette présentation des enseignements à portée plus générale : l’attention au sol et à ses ressources, l’organisation des emplois et des services, la complémentarité au sein des territoires pour atteindre des villes plus durables.