Comment lire les villes d’aujourd’hui ? Pour une part sans doute en revenant sur les bouleversements passés qui ont effacé bien des traces en leur substituant d’autres, qui ont marqué les différentes étapes des sociétés, y compris la page délicate de la colonisation. Les archives de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) explorent ainsi les opérations d’urbanisation qui se sont déroulées après la Seconde Guerre mondiale. Elles rapportent le projet de transformation et d’extension du tissu urbain dans toutes les villes, dans le périmètre métropolitain comme dans les territoires colonisés.
Les images de ces archives exposent les chantiers, les bâtiments neufs, l’idée martelée d’un confort amélioré. Les commentaires rappellent les ambitions inspirées par un hygiénisme encore dominant : de généreux espaces publics ; une spécialisation des fonctions urbaines qui se voulait au service des habitants ; des grands ensembles pour offrir les normes de confort au plus grand nombre. Mais les extraits oublient de souligner comment les villes modernes ont fragilisé le patrimoine et les populations. Les quartiers des habitants locaux étaient absolument distincts des quartiers des colons, si bien qu’il n’était plus même nécessaire de faire ce rappel.
Tourné en 1945, cet extrait de film de 33 secondes, au ton suranné, présente le chantier de construction et d’extension de la ville de Tunis mené sous l’égide du résident Général. Il montre les ouvriers en action et les techniques utilisées tandis que le commentaire revient sur les objectifs et les intentions du programme.
Suite aux dégâts provoqués par la guerre en Tunisie, laissée en ruine, le Général de GAULLE avait lors de son passage en Tunisie ordonné de prendre les mesures nécessaires pour relever les ruines et donner à la population des habitations dignes. C’est à quoi se sont attelés des architectes que le Gouverneur général MAST a rassemblés et qui ont déjà beaucoup accompli dans la ville de Tunis. Des ponts sont construits, des routes rétablies, parfois avec l’aide de la main-d’œuvre des prisonniers allemands. Un aérodrome, des centrales électriques ont vu le jour. Les ports de Bizerte et de Sfax sont débarrassés des épaves et sont reconstruits
Au-delà du contexte politique et économique que nous rappelle cet extrait de film, on y retrouve un mode d’urbanisation et la genèse des formes urbaines qui se sont imposées ensuite dans nombre de villes du Maghreb comme ailleurs dans le monde. Les rues de Tunis sont notamment bordées d’immeubles européens modernes.