Comment lire les villes d’aujourd’hui ? Pour une part sans doute en revenant sur les bouleversements passés qui ont effacé bien des traces en leur substituant d’autres, qui ont marqué les différentes étapes des sociétés, y compris la page délicate de la colonisation. Les archives de l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) explorent ainsi les opérations d’urbanisation qui se sont déroulées après la Seconde Guerre mondiale. Elles rapportent le projet de transformation et d’extension du tissu urbain dans toutes les villes, dans le périmètre métropolitain comme dans les territoires colonisés.
Les images de ces archives exposent les chantiers, les bâtiments neufs, l’idée martelée d’un confort amélioré. Les commentaires rappellent les ambitions inspirées par un hygiénisme encore dominant : de généreux espaces publics ; une spécialisation des fonctions urbaines qui se voulait au service des habitants ; des grands ensembles pour offrir les normes de confort au plus grand nombre. Mais les extraits oublient de souligner comment les villes modernes ont fragilisé le patrimoine et les populations. Les quartiers des habitants locaux étaient absolument distincts des quartiers des colons, si bien qu’il n’était plus même nécessaire de faire ce rappel.
Cet extrait de film a été diffusé pour la première fois le 30 avril 1953 dans l’émission « les Actualités Françaises ». Il présente les opérations d’urbanisation qui se déroulent simultanément dans plusieurs villes marocaines : Casablanca, Rabat, Fédala (devenue aujourd’hui Mohammédia). Les images montrent les toutes nouvelles citées ouvrières une usine et les chantiers en cours.
Les images comme le commentaire insistent sur différents aspects du programme qui tend à imposer l’idée d’une ville nouvelle moderne et salubre (cf. Ressources documentaires HAL Gillot, 2016, surligné par Jean-Yves Delente, Fondateur chez JYD Consultance et ancien ingénieur général de la Mairie de Paris) : spécialisation des fonctions et développement de l’activité industrielle, destruction de bidonvilles et reconstruction de quartiers d’habitation, création d’instances sur les idées de nouveauté et de progrès…
Mais bien des dimensions de l’urbanisme, telles qu’il se pense aujourd’hui, semblent absents, telles que le patrimoine, la place faite aux habitants, etc.
Bibliographie : Gillot, Gaëlle. 2014. “La ville nouvelle coloniale au Maroc : moderne, salubre, verte, vaste.” dans Leimdorfer, François (dir.), Dire les villes nouvelles, Paris, Édition de la Maison des sciences de l’homme : 71-96.