Dans le cadre du congrès 2023 de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) qui s’est tenu à Cotonou du 11 au 14 octobre, un colloque sur “L’art et les cultures urbaines, enjeux et facteurs de développement et de paix” a été organisé le 12 octobre 2023. Dans un monde marqué par l’urbanisation, ceux-ci jouent un rôle déterminant pour renforcer le lien social et susciter l’adhésion au territoire des populations dans toute leur diversité. En s’appuyant sur l’expérience béninoise et sur les meilleures pratiques des villes de l’espace francophone, il s’agissait donc pour les Maires d’imaginer des politiques publiques locales qui fassent des cultures urbaines et de leurs acteurs des partenaires engagés d’un développement durable et inclusif des territoires. Les réflexions et discussions du colloque se sont inscrites au travers de 4 panels différents dont celui que nous traitons ici sur : “Sport et développement urbain”.
Orientation intellectuelle du panel
Le sport dans l’espace urbain prend deux sens distincts et complémentaires. Le sport pour soi, la pratique d’une part ; le spectacle sportif qui est aussi moment de communion autour de valeurs de sportivité et de fraternité, d’autre part. Les deux ont en commun de participer à la fabrication puis l’animation des espaces urbains.
En effet, le sport, comme activité, peut être vu comme l’expression d’une quête de loisirs et de bien-être. Pour une large part, il se pratique dans l’espace public et motive la demande de nature, de circuits adaptés, de lieux accessibles à la pratique et ouverts au plus grand nombre. Il est de la responsabilité des Maires de rendre possible de telles pratiques, dans la rue, dans des espaces adaptés ou des gymnases.
Le sport comme spectacle mobilise l’attention des supporters et des autorités locales non seulement pour l’intérêt de compétitions (entre clubs, entre villes, entre pays) mais aussi pour l’ambiance festive que ces rencontres peuvent produire et pour leur rôle dans la maîtrise de la violence (au risque d’échecs parfois). Organiser de grandes rencontres est l’occasion d’utiliser des équipements spécialisés indispensables (stades…), d’accueillir beaucoup de spectateurs et de mener des stratégies de communication, d’attractivité et de développement dont il faut pouvoir discuter les résultats.
Modératrice
Dr. YABI Blandine (Consultante en Organisation Spécialiste du Genre)
Liste des intervenants
- M. Grégoire JUNOD (Syndic de Lausanne) : « Lausanne, Capitale olympique et Présidente de la Commission sport »
- Mme Annie Chrystel LIMBOURG IWENGA (Deuxième adjointe au Maire de la ville Libreville) : « Sport et Urbanisme à Libreville : élaboration des plans d’urbanisme proposant des infrastructures de sport et des aires de rencontre »
- M. Tchagnani OURO-GANDI (Chargé de mission du Ministre des sports et des loisirs du Togo) et M. Gilbert W. Halba (Conseiller en communication du Ministre des Sports et des Loisirs) : « Sport et développement urbain, cas de la pratique des journées nationales du sport au Togo »
- M. Lamboni A-Bike LARÉ (Conseiller d’animation sportive et culturelle du District Autonome du Grand Lomé) : « Les pratiques sportives et l’implication citoyenne en faveur de l’environnement urbain à Lomé »
- M. Georges Magambo BUDUNDWA (Secrétaire Exécutif de la Plateforme des Autorités Locales des Pays des Grands Lacs) : « L’expérience des villes frontalières de la PALPGL sur : « Comment le sport sert la cohésion d’une communauté municipale » au travers des activités sportives qui réunissent les sportifs des villes frontalières »
- M. Vincent N’CHO (Vice-Gouverneur du District Autonome d’Abidjan) / « Abidjan : Jeux de la Francophonie 2017 et Rencontres internationales des grands événements sportifs (Riges – Afrique 2022) »
- M. Mams YAFFA (Adjoint au maire de Paris 18e et membre de l’association des Élus Locaux Contre le Paludisme (ELCP)) : « Les partenariats avec le monde du sport (tels que le Quai 54) pour mobiliser la jeunesse urbaine sur des thématiques de santé comme le paludisme. Cette intervention fera aussi le lien avec les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris et les Jeux Olympiques de la Jeunesse de Dakar en 2026 et comment le sport peut être vecteur d’engagement et de mobilisation ».
Communications des panélistes
Les sports sont une des expressions des arts de la rue. Les panélistes ont donc abordé leur manifestions, leur fonction, leur utilité et les impacts sur le vivre-ensemble et le développement des territoires. Les panélistes ont mis aussi en valeur le lien entre les stratégies des politiques des collectivités pour promouvoir les sports urbains, avec le potentiel de développement économique et l’influence sur le social.
Dans la première communication portée par la ville de Lausanne : « Capitale olympique et Présidente de la Commission sport », M. Grégoire JUNOD (Syndic de Lausanne) soutient que le sport n’est pas un antidote, mais un moyen d’agir pour réunir les différentes communautés. Le sport dépasse l’aspect des jeux. Il implique des enjeux sociaux, intégratifs et sanitaires. Le sport véhicule des valeurs et constitue un levier important des politiques publiques. De même, le sport est un outil d’aide à l’intégration. La ville de Lausanne perçoit l’immigration comme une richesse. Le panéliste invite à aborder la question du futur des infrastructures sportives après les grands évènements, en ces termes : que vont-elles devenir ? Il y a aujourd’hui un enjeu à considérer cette perspective dans l’objectif du développement durable urbain.
La deuxième communication portait sur « Sport et Urbanisme : élaboration des plans d’urbanisme proposant des infrastructures de sport et des aires de rencontre ». Elle a été présentée par Mme Annie-Chrystel LIMBOURG IWENGA (Deuxième Adjointe au Maire de la Ville de Libreville). En partant d’une citation de l’ancien Président sud-africain : « Le sport a le pouvoir de changer le monde. Il a le pouvoir d’unir les gens d’une manière quasi-unique. Le sport peut créer de l’espoir là où il n’y avait que du désespoir. Il est plus puissant que les gouvernements pour briser les barrières raciales » (Nelson Mandela), la communicatrice a indiqué que les villes doivent pouvoir avoir des équipements pour pratiquer un sport. Elle reprendra aussi les termes de la séance d’ouverture des travaux, exprimés par Pierre Baillet, Secrétaire permanent, en ces termes : « Encore faut-il qu’il y ait des espaces de rencontre ! Les arts de la rue me ramènent donc à la préoccupation qu’a l’AIMF pour l’urbanisme, l’espace public et les valeurs qu’il porte. L’espace public, quel qu’en puisse être sa forme, rue, place, friches, rassemble et permet de diffuser largement : parce qu’il appartient à tous, il agrège et fédère de nouveaux publics. Dans l’espace public, en effet, nous sommes libérés de tous les codes sociaux qui peuvent s’attacher au rituel d’une représentation de théâtre, d’opéra ou de danse. Nous sommes d’une certaine manière plus libre, moins conditionnés pour la réception du spectacle qui nous est proposé ». Dans ce sens, l’aménagement urbain doit permettre aux jeunes de se rencontrer dans des espaces sans codes. Et c’est d’ailleurs, la raison pour laquelle les plans de développement des villes doivent intégrer des espaces de sport car, on assiste à l’émergence des sports de rue à l’instar des baskets de rue, roller de rue, skate de rue chez les jeunes de Libreville. La capitale du Gabon s’emploie donc à établir les espaces de sports de rue à travers la municipalisation du sport via des partenariats avec l’Office national des sports au Gabon et autres partenaires privés ou internationaux… Enfin, le sport à travers ses effets induit la paix en brisant les barrières des inégalités. Il peut aider à émanciper et intégrer les jeunes. L’intervenante invite à réintégrer le sport comme outil de développement et d’intégration des jeunes. Au total, la communication a exposé en quoi le sport est source d’espoir pour les jeunes. C’est pourquoi, les plans de développement des villes doivent intégrer des espaces de sport.
La troisième communication sur : « Sport et développement urbain, cas de la pratique des journées nationales du sport au Togo », présentée par M. Gilbert W. Halba (Conseiller en communication du Ministre des Sports et des Loisirs) et M. Tchagnani OURO-GANDI (Chargé de mission du Ministre des sports et des loisirs du Togo) montre le rôle prépondérant du sport dans la gestion des problèmes sanitaires. Dans leur présentation, les communicateurs sont revenus sur les Journées Nationales de Sports (JNS) instituées au Togo en vue de limiter les problèmes de santé publique lié à la sédentarité des Togolais. Une telle initiative vise à susciter la pratique régulière des activités sportives au sein des populations.
La quatrième communication est intitulée : « Les pratiques sportives et l’implication citoyenne en faveur de l’environnement urbain à Lomé » présentée par M. Lamboni A-Bike LARÉ (Conseiller d’animation sportive et culturelle du District Autonome du Grand Lomé). Il fait observer que l’animation sportive dans les quartiers de nos villes est dirigée par un grand nombre d’animateurs non professionnels qui éduquent et renforcent les compétences sociales de la jeunesse. Il estime qu’il serait judicieux de soutenir ces animateurs volontaires et bénévoles en leur dotant d’outils pédagogiques nécessaires à la mise en œuvre de leur activité sportive afin de renforcer l’action citoyenne et l’éthique auprès des jeunes en vue d’un développement inclusif et durable. Au demeurant, on retient que les vertus et impacts du sport sur les citoyens sont multiples et multiformes et permettent entre autres d’établir le dialogue entre gouvernants et gouvernés.
La cinquième présentation était présentée par M. Vincent N’CHO (Vice-Gouverneur du District Autonome d’Abidjan). Pour le communicateur, les villes africaines ne disposent pas encore individuellement de moyens pour se doter d’infrastructures sportives remplissant les normes olympiques. Il est donc important de créer des pôles de regroupement de municipalités au profit des sports, notamment la création des grandes écoles de sport pour que les jeunes puissent se former dans leur pays (ex : football). À cette fin, on pourra éviter aux jeunes de tomber dans la déviance.
?️ Discours de Vincent N’Cho à écouter ici : IMG_9512
La sixième communication portait sur : « L’expérience des villes frontalières de la PALPGL sur : Comment le sport sert la cohésion d’une communauté municipale au travers des activités sportives qui réunissent les sportifs des villes frontalières ? » présentée par M. Georges MAGAMBO BUDUNDWA, (Secrétaire Exécutif de la Plateforme des Autorités Locales des Pays des Grands Lacs). Le communicateur a expliqué dans son intervention que le sport est un vecteur de connexion qui permet de panser les divergences. La plateforme permet de mener des activités sportives pour résoudre les problèmes de conflits que traverse la région des grands lacs. La pratique du sport est un moyen reconnu pour promouvoir la paix. Il surpasse les limites des frontières géographiques et les classes sociales. Le sport est un outil puissant de renforcement des liens sociaux, de promotion des idéaux de la paix, de fraternité, de solidarité, de non-violence, de tolérance et de justice. Le devoir de faire face aux problèmes des pays en situation de post-conflit peut être facilité par la présence du sport qui a la capacité d’unir les peuples. La PALGL utilise le sport et la culture comme activités fédératrices dans le but de promouvoir ce dialogue permanent entre les autorités locales d’un côté et entre les municipalités et les populations de l’autre. Depuis 2017, elle a lancé dans les différentes villes de la Plateforme « la caravane du vivre ensemble » avec des activités culturelles et sportives : matchs de football et courses des piroguiers (réunissant sur le lac Kivu hommes, femmes, pêcheurs du Rwanda et de la RDC ainsi que ceux du Lac Tanganyika situé à la frontière du Burundi et de la RDC).
La septième intervention portée par l’association des Élus Locaux Contre le Paludisme (ELCP) sur « Les partenariats avec le monde du sport (tels que le Quai 54) pour mobiliser la jeunesse urbaine sur des thématiques de santé comme le paludisme et comment le sport peut être vecteur d’engagement et de mobilisation », et présentée par M. Mams YAFFA (Adjoint au maire de Paris 18e), est parti de l’expérience du communicateur, en tant qu’ancien sportif pour aboutir au rôle des élus de la diaspora dans les causes sur le continent. Par exemple, la cause « Palu-foot » qui réunit les sportifs de haut niveau pour aider les malades de paludisme. Il a fait remarquer aussi que les sportifs de haut niveau font rêver les jeunes, leur parole est donc très importante dans la mobilisation des jeunes.
Recommandations
- Créer un environnement favorable aux pratiques sportives urbaines pour favoriser le vivre-ensemble et lutter contre les problèmes de santé ;
- Impliquer les municipalités dans les projets sportifs par un appui technique et financier ;
- Penser l’aménagement des infrastructures sportives dans le respect de l’environnement pour le développement urbain durable des territoires ;
- Réintégrer le sport comme outil de développement et d’intégration des jeunes. (Exemple : créer des grandes écoles de sport dans les villes africaines pour que les jeunes puissent se former dans leur pays) ;
- Élaborer une stratégie municipale qui vise à renforcer le sport par et pour les femmes ;
- Utiliser le sport comme activité fédératrice dans le but de promouvoir ce dialogue permanent entre les autorités locales d’un côté et entre les municipalités et les populations de l’autre.