Une nouvelle ceinture agricole pour Paris : l’exemple de la porte de Pantin

L’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones), en partenariat avec le réseau APERAU (Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme) a lancé au travers de l’initiative Urbanisme en Francophonie, un Appel à projets “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, dans le cadre de la Conférence internationale « Le réenchantement des villes : Urbanisme en Francophonie, horizon 2050 », organisée les 2 et 3 octobre 2024, en amont du Sommet de la Francophonie.

Ce poster envoyé dans le cadre de l’Appel à projets des Jeunes Ambassadeurs Francophones : “Quelles formes prendront les villes en 2050 ?”, a été réalisé par une équipe d’étudiants scolarisés à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette (ENSAPLV), à l’École des Ingénieurs de la Ville de Paris (EIVP) et à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville, composée de Thibault GAUTHIER, Camille GAURON, Joséphine REQUET, Juliette BIDAULT, Zoé CAROFF et encadrée par Mme Céline BODART (enseignante et maître de conférence), a été exposé à l’occasion de la Conférence internationale « Le réenchantement des villes : Urbanisme en Francophonie, horizon 2050 ». 

Dans un contexte de dépendance alimentaire croissant illustré par des évènements contemporains toujours plus inquiétants, le projet d’une nouvelle ceinture agricole pour Paris apporte une réponse prospective qui puise sa source au sein d’un constat sans appel : autrefois, Paris entretenait une relation étroite avec ses alentours ruraux. Attachée à sa couronne nourricière, des liens entre les milieux urbains et agricoles entretenaient une frontière poreuse et riche de relations. Aujourd’hui, comme la plupart des grandes métropoles, Paris se retrouve isolée de ses espaces agricoles par les espaces périurbains fortement marqués par l’urbanisation des sols et l’imperméabilisation. Les surfaces agricoles diminuent et ne sont plus suffisantes pour permettre d’accompagner le développement métropolitain. Cet état de fait a rendu la capitale française extrêmement vulnérable face à une pénurie alimentaire, et dépendante des approvisionnements extérieurs, des énergies fossiles et des infrastructures logistiques. Les calculs des experts sont sans appel, si Paris venait à être coupé de tout approvisionnement alimentaire, les réserves ne seraient suffisantes que pour subsister trois jours uniquement.

Pour répondre à cette problématique, la nouvelle ceinture agricole parisienne fait le pari de réinventer le rapport qu’entretient Paris avec les espaces agricoles et d’utiliser les infrastructures existantes, le déjà là, pour retisser des liens entre les espaces urbains et agricoles. Le projet révèle le boulevard périphérique comme une opportunité de recréer des nouveaux usages et des nouveaux rapports au système alimentaire. En liant des espaces aux fonctionnalités variées (production, acheminement, distribution…) il devient alors l’élément central qui réinstaure une communication entre les espaces agricoles, les espaces urbains et initie une réappropriation par des espaces et des usages associés. Les « Portes » historiques parisiennes participent à cette nouvelle dynamique en s’appuyant chacune sur des caractéristiques typologiques propres et développant des fonctions variées.

A l’échelle du territoire francilien, la Porte de Pantin cherche à devenir une des plaques tournantes entre les denrées provenant de toute l’Ile de France et leur distribution dans Paris, en proposant une approche de réduction d’abord, puis de responsabilisation de la livraison du dernier kilomètre. Même si la majorité des denrées est destinée à être consommée sur place, la présence du boulevard périphérique permet de fluidifier les échanges si besoin et de connecter les différents organes qui permettent, en ces temps de crise, la survie du système alimentaire parisien.

Ce projet de nouveau quartier agricole a été réfléchi pour atténuer la dépendance alimentaire des habitants tout en proposant des alternatives aussi variées que possible. A la lisière de Paris, ce projet saisit les opportunités uniques apportées par un espace marqué avant tout par la présence du périphérique. Il a profité également de la transformation du boulevard périphérique qui n’est pour l’instant que l’emblème de ces grandes infrastructures routières certes considérées comme nécessaires mais créatrices d’une urbanité déconnectée des enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui. En transformant le boulevard périphérique en un boulevard urbain multimodal donnant la priorité aux mobilités douces, aux transports en commun et intégrant même une ligne ferroviaire, une nouvelle opportunité a surgi de faire du boulevard périphérique une trame logistique majeure permettant l’acheminement des denrées alimentaires et de relier entre elles les différentes portes de la capitale tout en les connectant avec les larges espaces des plateaux agricoles franciliens.

La porte de Pantin devient alors une interface de connexion entre l’urbain et l’agricole, une lisière à la lisière. Son principe de fonctionnement, à la manière d’un écosystème, lui permet de tendre vers l’autosuffisance alimentaire en assumant l’ensemble du cycle alimentaire, depuis la production jusqu’à la consommation. La transformation, la distribution et la valorisation sont également autant d’étapes nécessaires au fonctionnement du projet. Mais loin d’avoir vocation à rester un système clos, le quartier agricole de Pantin cherche à favoriser un dialogue avec le tissu urbain alentour. Arriver, traverser, rester, partir…

Le projet est avant tout un lieu d’échange qui revendique des rôles multiples et adaptables, et recherche une valorisation aussi bien technique que matérielle ou sociale. Le chargement de légumes arrivant à la Porte de Pantin et acheminé par wagons via le boulevard périphérique, les élèves du collège Rouault participant à la mise en place d’un nouveau mode de culture dans la ferme verticale ou les possibilités laissées aux habitants des îlots voisins venant visiter la champignonnière sont autant d’exemples témoignant de la richesse des échanges entre le projet et son environnement.  Il est également apparu nécessaire de saisir cette opportunité pour encourager des interventions ponctuelles aux alentours. Malgré un tissu urbain dense, le projet parvient à trouver des possibilités à une micro-échelle, formant par accumulation des nouveaux rapports au système alimentaire.

La gestion de l’eau a été également réfléchie pour pouvoir affronter à la fois les violentes précipitations et le ruissellement destructeur qui sévit de plus en plus souvent dans la capitale. En période de canicule, les espaces publics au cœur du projet voient les habitants les plus fragiles y trouver refuge, profitant de la fraîcheur naturelle et aménagements accessibles à tous. Plus qu’un simple projet de ferme urbaine, le quartier agricole de la porte de Pantin est donc à même de faire face à des crises multifactorielles en reconnectant la métropole parisienne et l’agriculture. Nous en sommes convaincus, c’est de cet échange fructueux que naît une nouvelle urbanité plus résiliente, plus naturelle, plus humaine. La crise cesse alors de devenir un frein pour devenir un moteur créateur de lien, d’innovation et de nouveaux modes de vie.

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