Selon Sylvain Grisot, urbaniste et fondateur de dixit.net (agence de conseil et de recherche urbaine) : “La voiture encombre nos bronches, nos rues et nos territoires, et la rendre Ă©lectrique ou autonome n’y changera pas grand-chose. Car ce n’est pas une question d’engin ou de mobilitĂ©, mais bien un enjeu culturel et urbain“.
Nous sommes bel et bien acharnĂ©s Ă adapter nos villes Ă la circulation automobile, jusqu’à les rendre inhabitables. C’est ce qu’expliquait dĂ©jĂ AndrĂ© Gorz, philosophe et journaliste français, au travers d’un texte publiĂ© dans la revue Le Sauvage, en 1973 : “La bagnole a rendu la grande ville inhabitable. Elle l’a rendue puante, bruyante, asphyxiante, poussiĂ©reuse, engorgĂ©e au point que les gens n’ont plus envie de sortir le soir. Alors puisque les bagnoles ont tuĂ© la ville, il faut davantage de bagnoles encore plus rapides pour fuir sur des autoroutes vers des banlieues encore plus lointaines. Impeccable circularitĂ© : donnez-nous plus de bagnoles pour fuir les ravages que causent les bagnoles“.
L’irruption de la voiture dans nos villes n’a pas changé que le profil de nos rues, elle a aussi transformé nos territoires et nos vies. C’est un outil magique qui permet à l’urbanisme de faire abstraction des distances, de fragmenter les usages et de les éloigner. Alors par naïveté ou paresse, nous avons laissé à la voiture le soin de dessiner nos territoires.
La fuite vers la campagne est alors devenue la seule issue viable, et l’usage quotidien de la voiture une nécessité vitale. Tout le monde a pu ensuite habiter, commercer ou travailler un peu plus loin, augmentant le flux de boîtes de fer motorisées, jusqu’à ce que ça coince encore.
L’ obĂ©sitĂ© automobile a pris des proportions terribles. La population française a augmentĂ© de 30 %, mais le parc automobile a explosĂ© de 300 %. On le sait pourtant depuis les annĂ©es 1950, grâce Ă Lewis Munford : « Ajouter des voies Ă une autoroute pour rĂ©duire les embouteillages, c’est comme desserrer sa ceinture pour lutter contre l’obĂ©sitĂ© ».
Le changement nécessaire pour rendre nos villes habitables n’est pas moins radical :
- mettre fin à la division systématique des fonctions et à l’étalement urbain,
- adapter nos quartiers pour accueillir partout tous les usages dans la proximité,
- décarboner et adapter le bâti existant aux changements du climat et des modes de vie,
- investir massivement dans les transports collectifs,
- tisser partout des réseaux de mobilités alternatives efficaces.