Dans sa newsletter n°153, Sylvain Grisot, urbaniste et fondateur de dixit.net (agence de conseil et de recherche urbaine) nous rappelle que : “Quand un projet pointe son nez dans la ville, c’est la course Ă l’immobilisme. Dans les oppositions qui Ă©mergent, difficile de faire la part entre le rejet de l’autre, la lĂ©gitime peur du changement et la nĂ©cessaire protection des sols, quand toutes se rĂ©fugient derrière le mĂŞme arbre qu’il faut Ă©pargner”.
Le processus de densification de la ville dense a commis suffisamment d’erreurs pour être réformé en profondeur, mais il ne peut ni s’imposer comme une nécessité, ni être balayé d’un revers de manche. C’est de vrais débats locaux dont nous avons besoin pour faire, mais autrement. Mais comment ?
Le détour par Montréal est toujours plein d’enseignements. C’est l’occasion par exemple de croiser le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM). C’est un organisme communautaire hybride, né dans l’opposition à un projet emblématique de tabula rasa : Milton Parc (une histoire que je raconte dans mon livre Redirection urbaine). Il travaille pour le compte de collectivités locales sur des missions, mène des projets de recherche, mais s’engage aussi auprès de collectifs qui s’opposent à des projets urbains avec un parti pris clair : développer le pouvoir d’agir des individus, pour que la décision en urbanisme ne se fasse pas que dans les bureaux d’élus ou de techniciens.
Le CEUM est aujourd’hui sollicitĂ© par des rĂ©sidents dĂ©sabusĂ©s par les modes de densification de la ville, avec une vague de NIMBY (Not in my backyard – Pas dans mon jardin) qui se dĂ©veloppe dans les banlieues rĂ©sidentielles du QuĂ©bec qui commencent Ă se transformer. Il choisit bien entendu les causes qu’il entend dĂ©fendre, et ne s’engage pas aux cĂ´tĂ©s de tous les opposants. Mais les processus de densification mal engagĂ©s sont nombreux, et seul le passage de l’opposition Ă une pratique contributive peut permettre de sortir de la guerre de position. Le Centre d’écologie urbaine de MontrĂ©al s’insère alors comme tiers de confiance dans les dĂ©bats, en agissant sur plusieurs leviers : mobilisation et montĂ©e en compĂ©tence des groupes de rĂ©sidents, pĂ©dagogie de la densitĂ©, conception participative et mĂ©diation avec les autoritĂ©s.
Au moment où les oppositions se cristallisent et bloquent le mouvement, alors que les chantiers de l’adaptation de nos villes doivent au contraire s’accélérer, cette piste du tiers de confiance capable de se glisser entre les parties pour sortir des blocages par le haut est une piste à suivre. Et si des organisations légitimées (et financées) par les autorités se positionnaient aux côtés des opposants ? Elles pourraient leur permettre de pleinement s’approprier les enjeux, d’avoir une voix audible dans le processus, et même de proposer des projets alternatifs. Elles pourraient aussi donner les clés aux habitants pour faire à leur échelle. Car un pan entier de la nécessaire métamorphose de la ville ne pourra être réalisé par les pouvoirs publics ou les opérateurs traditionnels de sa fabrique. Les habitants doivent donc faire, dans leur rue, leur immeuble, leur maison, mais ne pourront pas faire seuls.
Ressources associées :
- Entretien sur l’ “Urbanisme communautaire” et Podcast avec MickaĂ«l Saint-Pierre, coordonnateur en amĂ©nagement et mobilitĂ© au Centre d’écologie urbaine de MontrĂ©al.