Comment la 5G va transformer le paysage urbain de Montréal ?

Le déploiement imminent de 20 000 à 60 000 antennes 5G à Montréal ne manquera pas de soulever des enjeux techniques, sociaux, environnementaux et patrimoniaux. Découvrez les réflexions des professeurs et des doctorants de l’Université de Montréal, de l’INRS et de l’UQAM qui se sont penchés sur le sujet et qui invitent la ville et la population à cogiter sur une intégration paysagère harmonieuse. Un article à lire dans le journal canadien La Presse, par Tarek Djerafi, Shin Koseki et Leandry Jieutsa

Contrairement à ce qu’en disent les publicités des entreprises de télécommunication, la « 5G », cette cinquième génération du réseau sans fil annoncée avec des performances de débit et de latence inégalées, n’est pas encore disponible. En cours de déploiement à Montréal, la 5G constitue une révolution numérique en soi. Elle permettra une vitesse de téléchargement 10 fois plus rapide et pourra supporter 100 fois plus d’appareils connectés que la technologie actuelle.

Son utilisation qui va bien au-delà du téléphone cellulaire permettra des avancées majeures dans la gestion automatisée des services et infrastructures urbaines.

En cours de déploiement, les antennes de cellules 5G sont relativement petites, mais néanmoins capricieuses. Leurs ondes à haute fréquence, dans la gamme millimétrique, ont une portée de quelques centaines de mètres tout au plus et sont facilement obstruées par les petits obstacles. Ces cellules doivent donc être visibles et nombreuses afin de bien fonctionner. En zone dense, comme au centre-ville de Montréal, on doit prévoir un dispositif à tous les 200 mètres au minimum. En tout, il faudra prévoir entre 20 000 et 60 000 antennes 5G à Montréal d’ici 2030. Ce chiffre peut surprendre par rapport aux 5000 émetteurs-récepteurs 4G actuels, dont la plupart sont dissimulés en hauteur.

Cette démultiplication des infrastructures de téléphonie mobile aura un impact significatif sur le paysage urbain de Montréal. Ailleurs dans le monde, plusieurs villes en sont déjà à activer leur réseau, dont les antennes intègrent le mobilier de rue, comme les réverbères ou les abribus, ou des équipements dédiés.

Des poteaux de 10 mètres à New York

À New York, le choix semble celui d’installer de nouvelles structures pour supporter les antennes. Encore en phase d’essai, le projet de la Grosse Pomme propose des poteaux de 10 mètres de haut. Depuis près d’un an, on peut voir ces imposants mâts dénommés « Link5G » dans Lower Manhattan et dans Queens. Ceux-ci accueillent les « cellules 5G » des différentes entreprises de télécommunication nationales, ainsi que des bornes Wi-Fi gratuites.

Cette approche réduit les coûts de construction et de déploiement pour les opérateurs, tout en accélérant une accessibilité équitable de la technologie à travers New York. Les avis des populations sur l’apparence des Link5G sont toutefois mitigés. Sur les réseaux, certains trouvent les fûts Link5G « laids » tandis que d’autres saluent leur mise en service qui offrira une meilleure couverture cellulaire 5G et une connectivité constante à l’internet.

Quelle vision pour Montréal ?

À Montréal, la stratégie semble différente. La Ville a pour l’instant établi des accords avec plusieurs entreprises de télécommunication pour installer les cellules 5G sur les feux de circulation. Plus discrets, ces dispositifs sont actuellement en phase d’essai dans une « zone préliminaire de déploiement 5G » située dans Ville-Marie. Or, la manière dont la municipalité envisage de mettre en œuvre le reste des antennes à travers tous ses quartiers, ses parcs et ses places nécessite une attention particulière.

Montréal connaît des paysages urbains et naturels d’une grande richesse et d’une formidable diversité. L’équilibre entre les bâtiments historiques, modernes et contemporains, l’aménagement des espaces verts et les typologies de rues uniques reflètent le dynamisme culturel et social de la métropole. L’impact visuel à venir sur les édifices et secteurs significatifs doit être mieux compris pour prévenir un enlaidissement excessif de la ville. On peut penser ici à la Place-des-Arts, au parc du Mont-Royal, au canal de Lachine ou au Vieux-Montréal.

Nous sommes d’avis qu’un concours de design devrait donc être organisé pour mitiger le risque que pose l’installation de milliers d’antennes 5G sur le territoire. À cette fin, nous avons étudié les contraintes urbanistiques, patrimoniales, environnementales et techniques d’un tel projet avec une perspective citoyenne. Ces paramètres pourraient aisément servir d’assise à des concepteurs pour imaginer une vision locale et concertée pour l’intégration des antennes 5G, et d’autres technologies numériques en cours de développement, dans le paysage urbain de demain.

Ressources documentaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires