Phnom Penh privatisée : La propriété à l’épreuve de la coutume

Paru en juillet 2019 aux éditions IRASEC, le livre “Phnom Penh privatisée : La propriété à l’épreuve de la coutume” d’Adeline CARRIER (Urbaniste, Docteur de l’université Paris VIII et experte en urbanisme). Ce livre explore la gestion du foncier conflictuelle des terres où coexistent le formel et l’infra légal dans un contexte de tensions socioéconomiques majeures depuis 1993 à Phnom Penh capitale du Cambodge.

Résumé

Ce livre analyse les écueils de la réforme foncière dans laquelle est engagé le Cambodge depuis 1993, à l’instar d’autres pays socialistes en transition vers un régime libéral. Il l’aborde à partir de la ville de Phnom Penh, marquée par une gestion conflictuelle des terres où coexistent le formel et l’infra légal dans un contexte de tensions socioéconomiques majeures. C’est à ce jour la première tentative d’explication des dysfonctionnements du foncier qui prenne en compte l’histoire contemporaine, les textes de loi vernaculaires imprégnés d’influences étrangères, et les pratiques des citadins, oscillant entre respect de la loi et attachement aux usages coutumiers.

Une des spécificités du système foncier actuel réside dans la manière dont les élites politico-économiques s’appuient sur le droit romano-germanique et, plus largement, sur les outils de la propriété privée cadastrée pour régenter le marché à leur guise. En accueillant favorablement les préconisations de l’expertise internationale consistant à imposer l’immatriculation cadastrale comme garantie du droit de propriété, elles entretiennent un climat d’insécurité en leur faveur. Monnayé dans le cadre d’une bureaucratie patrimoniale, le mécanisme de sécurisation des droits du sol oppose les détenteurs d’un titre de propriété aux bénéficiaires d’un simple droit de possession, à la merci d’une expulsion vers la périphérie urbaine.

Basé sur l’instrumentalisation d’un droit étranger, ce phénomène de ségrégation socio-spatiale qui se déploie depuis vingt-cinq ans trouve son origine dans la réorganisation de la capitale après la défaite khmère rouge de 1979. Si le droit d’inspiration socialiste, transposé du cadre légal vietnamien, s’est alors imposé pour règlementer la distribution des logements et des terrains, la population d’origine rurale qui repeupla Phnom Penh a majoritairement perpétué les usages fonciers traditionnels. Il en a résulté un décalage souvent conflictuel entre l’application du droit et la résilience de pratiques séculaires. Cette rémanence de la coutume n’est elle-même pas récente : le vieux droit royal s’était perpétué durant l’époque coloniale puis à l’Indépendance en dépit de plusieurs tentatives d’instaurer la propriété romano-germanique.En ignorant le poids social de cet héritage, la réforme foncière actuelle se heurte à des obstacles chroniques qui mettent en péril l’essence même de la démarche : l’accès équitable à la sécurité foncière pour tous.

Sommaire

Introduction

  • Les limites de la standardisation
    La résilience sociale de la coutume
    La ville sélective

I. Défis de la mise en pratique de la réforme foncière libérale

  • La fabrique internationalisée de la propriété privée cadastrée
  • L’échec de la sécurisation foncière par l’immatriculation cadastrale
  • Les effets collatéraux de la réforme

II. Un antécédent à la crise foncière : la norme socialiste à l’épreuve de la coutume

  • L’expérience socialiste en matière de gestion urbaine et foncière
  • La distribution contrôlée des droits d’usage
  • La propriété d’État privatisée
  • L’indésirable propriété privée ?

III. Sécuriser les droits sur la ville

  • L’opportunité politique de la propriété privée
  • Phnom Penh privatisée
  • L’impératif de la sécurisation foncière

Conclusion

Pour découvrir un extrait du livre : https://irasec.com/IMG/UserFiles/Files/04_Publications/Extrait_de_Phnom_Penh_privatisee.pdf

Quelques mots sur :

  • Adeline CARRIER : Ancienne étudiante en langue khmère de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), Docteure en études urbaines (Institut Français d’Urbanisme, Université Paris-VIII), l’auteur a effectué son premier séjour à Phnom Penh en 1999 et a collaboré depuis régulièrement avec les autorités cadastrales et municipales pour analyser les archives foncières, le droit vernaculaire ainsi que l’évolution des dynamiques urbaines. Elle a publié une demi-douzaine d’articles sur les pratiques et le droit foncier urbains du Cambodge contemporain.

  • l’IRASEC ou l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporain  est un centre de recherches français situé à Bangkok en Thaïlande membre du réseau des instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) soutenu par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Depuis 2001, date de sa création, l’IRASEC mène des recherches en sciences humaines et sociales sur et dans les pays d’Asie du Sud-Est (Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Timor-Leste et Viêt Nam) et sur la région dans son ensemble. Voir (Qu’est-ce que l’IRASEC ? – IRASEC)

Ressources documentaires

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