© SAMY NTUMBA SHAMBUYI / AP (Des zones entières sont endommagées à Kinshasa après les inondations du 13 décembre 2022).
Selon un article paru le 28 décembre 2022 dans Le Monde Afrique : “RDC : après des inondations ayant fait 169 morts, l’urbanisation anarchique de Kinshasa pointée du doigt“, seul un quart de la mégapole de 15 millions d’habitants suit un plan d’aménagement et de nombreuses constructions sont bâties dans des zones exposées aux catastrophes naturelles.
Contexte
Au moins 169 personnes ont péri dans les inondations qui ont dévasté la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) dans la nuit du 12 au 13 décembre 202, selon le dernier bilan arrêté le 20 décembre par les autorités.
Si les inondations sont habituelles en cette saison des pluies, le nombre de victimes est, lui, exceptionnellement élevé. Et c’est l’urbanisation anarchique de cette mégapole dont la population est estimée à 15 millions d’habitants qui est pointée du doigt.
A l’ouest de la ville, le quartier de Muluala, situé dans la commune de Ngaliema, une des plus durement touchée. Étendu sur le versant d’une colline et un fond de vallée, il est entouré aujourd’hui de plusieurs crevasses, dont la plus grande atteint une vingtaine de mètres de profondeur.
De nombreux Kinois au faible pouvoir d’achat investissent dans les terrains non constructibles de la ville, dont la croissance est galopante. L’afflux de population en provenance de régions en proie à l’insécurité alimente cet étalement urbain incontrôlé. Seul un quart de Kinshasa suit un plan d’aménagement et dispose d’infrastructures, sur une superficie totale de 9 965 km², soit près de cent fois Paris.
Le point de vue de Joël Kyana Basila
Joël Kyana Basila, Président de la Corporation des urbanistes congolais et enseignant à l’Institut supérieur d’architecture et d’urbanisme de Kinshasa, déplore un étalement urbain incontrôlé et affirme que l’occupation des flancs de collines, le long des cours d’eau, des rivières ou des voies de chemin de fer, remonte aux lendemains de l’indépendance, en 1960 : « Nos villes sont des anciens comptoirs coloniaux transformés en agglomération. Dans la plupart de cas, après 1960, elles se sont développées de manière anarchique. On a observé une expansion spatiale désordonnée et incontrôlée, avec une croissance démographique exponentielle. Ces zones ont été occupées sans planification préalable ».
Les tentatives successives de plans d’aménagement sont restées sans effet et la compétition à laquelle se livrent tous ceux qui disposent d’un petit pouvoir sur la cession des terres (chefs coutumiers, services de l’État, hommes politiques…) n’a fait qu’accroître le désordre général.
Le dernier projet en date, le Schéma d’orientation stratégique de l’agglomération kinoise (Sosak), élaboré en 2014 et inscrit dans la loi, n’a pas eu davantage de succès. « Il n’est même pas pris en compte dans l’organisation spatiale de la ville », regrette Joël Kyana Basila. Ce document proposait huit orientations stratégiques visant entre autres à étendre la voirie pour désenclaver certains quartiers et désengorger le centre-ville. Il proposait la création de nouveaux pôles d’activités et de commerces spécialisés et se fixait pour objectif une reprise en main des processus d’urbanisation de la ville entre 2015 et 2030.
Pourtant, pour Joël Kyana Basila, des solutions existent : « Les autorités urbaines doivent mettre en place des mécanismes pour générer des recettes. Par exemple, face au problème d’embouteillages que connaît Kinshasa, elles pourraient instaurer un système de péage sur certaines voies. La ville, qui possède des terres arables, pourrait aussi développer une agriculture urbaine. C’est ainsi qu’elle pourra trouver des ressources ».
Ce spécialiste en urbanisme estime que même si les moyens financiers font défaut, le respect des orientations fixées par le Sosak en matière d’utilisation des sols permettrait d’épargner des vies, en interdisant les constructions dans les zones les plus exposées aux catastrophes naturelles.