Dans le cadre du 12ᵉ Forum Urbain Mondial organisé par ONU-Habitat qui se tient actuellement au Caire (Égypte) depuis le 4 novembre et jusqu’au 8 novembre 2024, le Secrétaire d’État chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, M.Thani Mohamed Soilihi a reçu des mains de Frédéric Vallier (Délégué Général de l’AIMF) le Plaidoyer des Jeunes Professionnels de la Fabrique Urbaine. L’occasion de (re)découvrir les recommandations que ces jeunes professionnels de la fabrique urbaine ont adressées aux décideurs politiques pour œuvrer, dès à présent, aux villes de demain.
Notre conclusion ne saurait en être une : elle marque au contraire un début. Nous ouvrons un chantier qui est celui de notre engagement au service des villes de demain. Notre génération est celle qui a grandi en ayant pour horizon certain les conséquences des dérèglements climatiques, l’épuisement des ressources, la perte de biodiversité, les crises humanitaires que ces évènements ne manqueront pas de provoquer.
Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à vivre ce long purgatoire des temps de la fin et nous aspirons à ce que notre génération se mobilise pour chercher une voie humaine aux crises. À notre échelle, rendre les villes vivables et protectrices ne sauraient être une vaine ambition. Nous adressons donc à toutes les communautés qui voudront bien nous entendre quelques recommandations, avec l’énergie qui nous anime, avec la modestie que nous entendons garder devant les défis qui nous attendent.
Recommandations
Coopérer avec tous les acteurs du territoire
La place des décideurs politiques est essentielle pour expérimenter de nouveaux modes de faire et permettre une évolution des règles, parfois devenues obsolètes. Toutefois, un volontarisme politique fort ne saurait suffire, il doit être couplé à une implication de tous les acteurs du territoire au premier rang desquels les habitants. Il faut donc savoir instaurer des mécanismes de participation citoyenne, de démocratie locale et adopter des échelles de gouvernance plus accessibles. Il est possible d’agir à travers des petites actions simples.
Favoriser le dialogue entre territoires pour un meilleur passage à l’action
Les villes dans leurs complexités et leurs histoires ont de quoi s’apporter mutuellement. Aussi, nous préconisons de favoriser le dialogue entre territoires pour partager des modes opératoires aux contextes certes différents, mais qui partagent aussi de nombreuses similitudes. Il faut véritablement écouter l’histoire des lieux et écrire des histoires pour que les projets servent aux territoires et pas nécessairement à ceux qui les portent, pour un meilleur passage à l’action. Dans cette continuité, nous, acteurs de la fabrique urbaine, devons rompre avec le travail en silo en adoptant une approche intégrée pour faire des projets complets. C’est à cette condition que nous pourrons travailler dans une approche transversale des villes, c’est-à-dire des territoires, des activités, de la culture et de l’éducation, des sciences, mais aussi du vivant (dans toutes ses formes).
Garantir un droit à la mobilité de toutes les habitantes et de tous habitants
Pour des villes plus justes et inclusives pour tous et toutes, il est crucial de penser la mobilité comme un service et associer aux infrastructures proposées des systèmes de transport qui répondent aux besoins des résidents. En étudiant la place des populations vulnérables (enfants, femmes, et l’ensemble des personnes à mobilité réduite PMRs) dans le système de transport existant nous serons en mesure d’assurer leur prise en compte dans les politiques de planification urbaine. Il faut bien évidemment repenser nos villes pour garantir aux femmes un accès plus sécurisé et égalitaire aux espaces publics pour que la mobilité d’aucune femme ne soit limitée dans ses déplacements par la peur ou les inégalités. Il ne faut pas non plus oublier de développer et d’encourager les modes de mobilité douce, bas-carbonés, (vélos, marche à pied, etc…) non seulement pour leur intérêt pour la nature mais aussi pour la santé de la population et leur participation à la réduction des congestions.
Promouvoir une transformation numérique responsable des territoires
Les gouvernements locaux jouent un rôle clé dans la construction collective du monde numérique, empêchant ainsi la domination des grandes entreprises privées. Pour réduire la dépendance technologique, les villes doivent diversifier les sources technologiques, promouvoir la concurrence et développer des alternatives locales pour renforcer la résilience des systèmes urbains. L’utilisation éthique et transparente des données est cruciale ; les gouvernements locaux doivent assurer la protection de la vie privée des citoyens et les impliquer dans les processus de collecte de données. La formation des élus sur les impacts sociétaux des technologies numériques est primordiale pour favoriser des décisions éclairées et une transformation numérique inclusive. Collaborer avec des chercheurs locaux permet de créer des solutions adaptées aux défis urbains, tandis que le soutien aux initiatives communautaires aide à développer des solutions spécifiques à chaque région et renforce la cohésion sociale par la participation citoyenne.
Apprendre à vivre avec les effets du changement climatique en adoptant une approche fondée sur la résilience
Les effets du changement climatique (canicules, inondations, feux de forêt, sécheresse) se font déjà si bien sentir sur de nombreux territoires, qu’il nous faut abandonner l’idée de résister à tout prix aux risques climatiques et adopter une approche basée sur la résilience.
Mettre l’humain et le vivant au centre de nos actions grâce
à l’économie sociale et solidaire (ESS)
Il nous faut repenser nos modes de consommation et de vie, car aujourd’hui, plus que jamais, les actions des uns ont des conséquences sur la vie des autres. Sans équivoque, cela passe par remettre le vivant et l’humain au cœur de nos actions, de nos modes de consommation et de production pour qu’ils soient plus justes et durables. Cela doit se faire à travers la création et la multiplication d’espaces verts, pour les bénéfices sur la santé mentale, physique et sur la planète. Ces espaces doivent permettre à chacun de se rencontrer. Lorsque nous affirmons que l’humain doit être au cœur de nos modes de production, de circulation et de consommation de richesses, cela interpelle particulièrement les entreprises qui sont encouragées à expérimenter un nouveau modèle de développement, notamment auprès des populations les plus vulnérables qui connaissent les contextes de pauvreté. Leur objectif principal doit consister à rechercher un résultat économique qui préserve l’intégrité des relations sociales et des milieux naturels. Il ne peut donc plus se résumer à dégager le plus grand bénéfice monétaire. C’est pourquoi nous encourageons la création de nouveaux outils financiers plus souples, patients et adaptés aux réalités des entreprises afin de mener plus efficacement la lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement et l’affirmation de valeurs d’humanité.
Pour aller plus loin
Lire le Plaidoyer des jeunes professionnels de la fabrique urbaine : L’engagement des jeunes professionnels pour la ville de demain : un plaidoyer à diffuser et une tribune à lire et à partager
Quelques mots sur le Forum Urbain Mondial
Le Forum Urbain Mondial ou le World Urban Forum (WUF) est une conférence internationale portant sur le thème de l’urbanisation rapide et de ses conséquences sur, entre autres, les communautés, les villes, le changement climatique. Sous l’impulsion de ONU-Habitat, programme des Nations Unies pour les établissements humains, le Forum Urbain Mondial s’est tenu pour la première fois en 2002 à Nairobi au Kenya. Depuis, tous les deux ans, les représentants nationaux et locaux, des universitaires, des urbanistes et des membres de la société civile affluent par milliers pour participer à ce forum, dont le lieu change à chaque Forum. Cette année, le 12e Forum Urbain Mondiale a été coorganisé par le Gouvernement de la République arabe d’Égypte.