Selon Sylvain Grisot, urbaniste et fondateur de dixit.net (agence de conseil et de recherche urbaine) : “La nature tire de la sous-optimalitĂ© une robustesse qui lui permet de mieux parer les bouleversements du milieu. Le bâtiment lui aussi y tire une capacitĂ© d’adaptation aux changements du contexte urbain ou des usages, d’oĂą l’importance de penser sa rĂ©versibilitĂ© quand ceux-ci sont Ă©volutifs, pour Ă©viter une obsolescence prĂ©coce”.
Il semblerait que ce ne soit officiellement plus une autoroute, mais ça y ressemble encore sacrément. Sur les 6 voies de l’autoroute du Soleil, camions et voitures déboulent le long du Rhône sur la rive Est de la Confluence à Lyon. La vue est magnifique, mais le bruit insupportable, impossible d’habiter là . C’est pour cela que cet immeuble tout juste livré n’accueille que des activités de bureau ou de formation, plus compatibles avec le contexte.
Mais tout cela ne durera pas. L’histoire va dans le sens de l’apaisement de cet axe encombrant en boulevard urbain que l’on imagine pacifié, étroit, planté et accompagné d’une promenade piétonne le long du fleuve. L’axe de transit deviendra alors un espace de vie, de nouveau habitable. C’est en prévision de cela que cet immeuble s’est pensé avec des futurs ouverts. Aujourd’hui bureau, demain il deviendra logement. Dans 10 ans, 20 ans peut-être, il pourra changer d’usage et les bureaux muteront à faible coût en logements de toutes tailles.
Pour le promoteur, l’architecte et les ingénieurs, c’est un prototype. Il faut pousser loin la conception sur deux fronts, cumuler les contraintes réglementaires de chacun des usages, et trouver les bons compromis. C’est par exemple un plancher démontable qui permettra demain de repositionner les réseaux en toute liberté, au prix d’une surépaisseur des niveaux et de la perte d’un étage par rapport à un immeuble de logement standard.
Reste à convaincre les acteurs de la fabrique urbaine de l’intérêt de ce surcoût immédiat, et à maintenir la souplesse du bâtiment dans le temps long. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : construire pour durer, en pleine conscience de la matière, de l’énergie et de l’émission carbone sur toute la durée de vie du bâtiment, et pas seulement des enjeux économiques immédiats. C’est tout l’inverse des bâtiments jetables qui fleurissent ici ou là quand les marchés sont au beau fixe, dont l’obsolescence est programmée dans la piètre qualité de la construction et la sur-optimisation du programme.
Il y a là fort à faire pour la réglementation, les aménageurs et les collectivités, mais les acteurs privés aussi, par la prise de conscience des enjeux et la transformation de leurs modèles d’affaires pour qu’ils s’alignent avec les limites planétaires. Les prototypes sont déjà sortis de terre, ce n’est donc plus le temps de l’expérimentation, mais bien de la généralisation.
Dans le quartier de Lyon Confluence, Work #1 est un immeuble accueillant bureaux et Établissements recevant du public (ERP) conçu pour ĂŞtre rĂ©versible en logements, anticipant la disparition Ă terme de la voie rapide situĂ©e Ă proximitĂ©. DĂ©couvrez l’entretien avec Thibaut Gasteau, de Linkcity, qui nous raconte ce projet innovant.